Zero Time Dilemma : L’échappée pas si belle

J’ai abordé le dernier épisode de la trilogie Zero Escape, Zero Time Dilemma, excité comme un gamin.

Après avoir terminé satisfait 999 : Nine Hours Nine Persons Nine Doors puis avoir été comblé par Virtue’s Last Reward, j’attendais avec impatience de savoir comment allait se boucler cette trilogie. Je l’attendais d’autant plus que le second jeu s’était terminé avec un semi-cliffhanger, appelant clairement à une résolution.

Et… parfois, lourd est le parpaing de la réalité sur la tartelette aux fraises de nos illusions.

Zero Time Dilemma est, globalement, un échec.

C’est un jeu à la technique plus que discutable.
C’est un jeu au scénario maladroit.
C’est un jeu dans lequel les personnages sont bien peu développés.
C’est une conclusion à peine satisfaisante à la trilogie Zero Escape
Mais c’est un jeu qui apporte des réponses adéquates aux questions que Virtue’s Last Reward posait.

Et c’est peut-être à la fois sa grande réussite, mais aussi ce qui a amené les contraintes qui en font un épisode décevant.

Le synopsis, spoiler-free de Zero Time Dilemma est le suivant : Neuf personnes faisant partie d’une expérience ayant pour objectif de simuler la vie sur Mars se retrouvent prises au piège dans un étrange complexe, où le mystérieux, et masqué, Zero, les sépare en 3 équipes et leur ordonne de participer au Decision Game, un jeu dans lequel ils auront à prendre des décisions sur lesquelles reposent littéralement leur vie. Lorsque six d’entre eux seront morts, les trois survivants pourront sortir.

Ça ressemble beaucoup au synopsis des jeux précédent et c’est logique, mais pour aborder ses spécificités… il faudrait que je me mette à balancer des spoilers, donc on va attendre un peu. Ils seront clairement nécessaires plus tard, ceci dit, afin que je puisse aborder pour discuter des défaillances du jeu, et ils seront clairement indiqués à un point de l’article.

Sachez tout de même que si vous pensez arrêter votre lecture immédiatement suite à l’apparition du mot « spoiler », que je vous recommande tout de même la trilogie entière, cf mon enthousiasme dans l’article précédent)

Du coup, avant de parler histoire, parlons technique. 999 et VLT étaient tous les deux des visual novels à la présentation classique, comprenant des sections d’énigme « escape room ». Zero Time Dilemma fait un pari différent en adoptant les codes du jeu narratif « à la Telltale (The Walking Dead, The Wolf Among Us) » : toute l’histoire est racontée au travers d’une série de cinématiques (faciles à mettre en pause ou accélérer si besoin) et les personnages sont constamment mis en scène dans leur environnement. On voit la manière dont ils se parlent, se comportent, leur posture, etc.

… Et en résumé, n’est pas Telltale qui veut. Le mot qui vient à l’esprit est « fauché ». Les modèles des personnages tiennent tout juste la route, et le lipsync fonctionne mal (ce qui est insupportable et force à s’habituer à ne pas regarder les bouches des personnages quand ils parlent). Les environnements sont vides, et la mise en scène oubliable, ne réussissant même pas à vraiment se démarquer lorsque les personnages pètent les plombs ou sont en grave danger. Basiquement, on a surtout beaucoup de personnages debout les uns à côté des autres se parlant avec un air neutre, et c’est assez dommage.

« Vous avez mal vieilli »

Point supplémentaire d’ailleurs au sujet des personnages, Kinu Nishimura, qui s’occupait du character design dans les deux premiers jeux de la série, n’a pas été rappelée pour ce troisième épisode au profit de Rui Tomono, qui livre un travail saisissant avec ses illustrations clef, mais dont le trait détonne clairement lorsqu’on doit retrouver des personnages déjà présents dans les épisodes précédents. On est clairement dans un cas où on devrait retrouver des vieux amis… mais il y a une dissonance étrange et peu agréable.

Parlons maintenant scénario… et surtout structure de celui-ci.

999 et Virtue’s Last Reward étaient des jeux dont le scénario fonctionnait comme un visual novel assez classique : Quelques choix faisant globalement changer le jeu de route, jusqu’aux quelques conclusions, bonnes ou mauvaises, présentes à la fin des routes choisies. Virtue’s Last Reward poussait l’idée plus loin en empêchant fréquemment le joueur d’avancer dans une route tant qu’il n’avait pas vu certains éléments d’une autre route, mais globalement l’idée restait d’assister à une série d’éléments de manière relativement linéaire. Un choix (choisir une porte, trahir ou s’allier à un personnage) avait logiquement des répercussions sur le reste de la route.

La grande idée de Zero Time Dilemma est de ne pas proposer son histoire de manière linéaire mais fragment par fragment. Un « fragment » est un ensemble d’événements ayant lieu durant une unité de temps d’une heure trente dans l’univers du jeu, généralement composé d’une cinématique puis d’une escape room, un choix et de nouveau une cinématique.

Un fragment

Cette grande idée, elle ne m’est pas antipathique. Elle me rappelle même les sommets atteints par 13 Sentinels, dont la narration non-linéaire, laissant au joueur le choix d’avancer à son rythme sur chacune des histoires l’intéressant, en lui laissant lui-même tisser les liens nécessaires entre ces histoires, leurs chronologies, les personnages qui se croisent.

Le problème ? Le problème se trouve à plusieurs endroits, mais notamment dans le titre du jeu. « Zero Time Dilemma » est un jeu dans lequel, dans presque chaque fragment, les personnages seront obligés de faire un choix capital, qui va décider de la vie ou de la mort d’autres personnages. Exemple très simple : appuyer sur un bouton qui tuera instantanément les membres des autres équipes, ou ne pas le faire ?

Cette idée, elle serait parfaitement bien passée dans Virtue’s Last Reward, un jeu qui aurait ensuite passé une heure à nous faire explorer les ramifications de ce choix, la culpabilité des survivants, les évolutions dans leurs interactions… mais elle passe en revanche beaucoup, beaucoup moins bien, dans un jeu que l’on prend par petits bouts de scénario déconnectés. Comment s’inquiéter des conséquences d’un choix si le jeu nous interdit assez littéralement de voir ce qu’il se passe dans la suite chronologique des événements ?

Virtue’s Last Reward permettait de voir les conséquences de ses choix. Zero Time Dilemma ne le fait simplement pas. En résumé, passé le tout premier vrai choix du jeu, tous les autres « dilemmes » ont des solutions évidentes : soit faire le « bon » choix (pour reprendre mon exemple précédent, ne pas massacrer ses petits camarades), soit faire le « mauvais »… et faire face à une bad end deux minutes plus tard, après quelques cris de souffrance. Du coup on s’en fiche. Je me répète, mais comment s’inquiéter des conséquences d’un choix si le jeu nous empêche de voir ce qu’il se passe après quand le « mauvais » est fait ?

Car à cela vient s’ajouter la seconde mauvaise idée, un élément d’histoire capital : Après (en gros) chaque fragment, une heure trente dans l’univers du jeu, les personnages sont drogués pour oublier tout ce qu’ils viennent d’expérimenter. Et… si c’est bien pratique au niveau de la structure « par fragments » du jeu, étant donné que l’écriture a beaucoup moins à s’inquiéter de ce que le joueur sait au moment de découvrir une scène étant donné que les personnages n’ont eux-mêmes pas beaucoup plus d’informations qu’au début du jeu, ça a un effet dévastateur sur la tension présente qui devrait être présente au travers du scénario.

Et en fait, tout ça, bout à bout, ça donne un jeu qui foire sa présentation, qui rate la présentation de son scénario et sa narration globale, et… auquel j’aurais malgré tout pu tout pardonner s’il avait présenté une qualité d’écriture et d’inventivité comparable aux deux jeux précédents.

Mais là aussi, Zero Time Dilemma ne répond pas aux attentes. Le jeu offre une conclusion passable à la série Zero Escape, et répond de manière satisfaisante à toutes les questions posées par Virtue’s Last Reward. Et c’est à peu près tout le bien que je peux en dire. On est très loin de s’investir dans les personnages comme on pouvait le faire dans les jeux précédents, la faute à trop peu de temps passée avec eux, et…

Et c’est à partir d’ici que je rentre dans le territoire du spoil. Continuez à lire à vos risques et périls…

Zero Time Dilemma a un problème de personnages. Sur les neufs personnages, Quatre reviennent des jeux précédents, et les autres, à l’exception notable de Diana, sont… complètement oubliables.

Pêle-mêle :

  • Junpei et Akane sont des personnages pour lesquels les enjeux scénaristiques ont été largement résolus dans 999. Sans eux, Akane devient « la dame qui fait des explications » et Junpei est écrit comme ayant « découvert le monde des adultes » dans l’année séparant les deux jeux, ayant visiblement vécu en trois cent soixante cinq jours les désillusions qu’il faudrait trente ans à un détective hard boiled de film noir pour vivre. Ou, autrement dit, c’est un odieux connard, ce qui, après qu’on ait vu le monde au travers de ses yeux dans le premier jeu, est vraiment, vraiment désagréable à vivre. Littéralement, on est passés de « héros qui partage sa conscience pour sauver l’être aimé » à « connard de la bande qui propose toujours les décisions moralement ignobles. Urgh.
  • Carlos et l’intégralité de la Q-Team sont des personnages unidimensionnels. « Courageux pompier », « Pathétique amoureux » « Gosse amnésique » et « Tueuse inexpressive » sont à peu près tout ce qu’il suffit de savoir sur eux.
  • La D-Team de Sigma, Phi et Diana est la plus intéressante, parce que c’est au travers de leur présence que se jouent véritablement le cœur du jeu et de ses enjeux émotionnels… mais c’est trop peu, surtout pour Phi.
Le cast de ZTD

Beaucoup trop des nouveaux personnages se retrouvent ici par hasard, là où tout était lié dans les jeux précédents, ce qui leur donne un terrible manque de profondeur et de motivation. Ils sont principalement caractérisés par un flashback expliquant leur passé et voilà. C’est peu, et ça donne l’impression que n’importe qui (de potentiellement plus intéressant, comme d’autres personnages des jeux précédents) aurait pu être là à leur place.

En plus des personnages, je voudrais pointer un élément qui m’a particulièrement gêné dans ce jeu : Le twist inutile. 999 et Virtue’s Last Reward ont tous les deux des twists qui font revoir les événements qu’on a déjà vécus sous un autre angle, là où plusieurs twists de Zero Time Dilemma m’ont fait me dire… « et alors ? »

Les personnages n’étaient en fait pas tous réveillés au même moment ? « Et alors » ?
Le petit garçon est finalement un robot ? « Et alors ? »
Les trois zones dans lesquels les personnages vivent les événements sont en fait le même endroit ? « Et alors ? »
Les recontextualisions de ces trois twists données par ces trois twists ne changent que bien peu l’histoire que l’on a expérimenté, et c’est juste… dommage.

Les escape rooms sont toujours aussi fun, au moins

Et le vrai twist au cœur de l’intrigue, lié à l’histoire de la D-Team, fonctionne globalement, mais m’a donné envie de hurler à mon écran à Sigma et Diana « rendez-vous compte de ce que vous faites ! Parlez-en ! Vocalisez-le ! ». Une désagréable impression que le jeu évitait soigneusement de rentrer dans des discussions sur ce qui est le côté le plus intéressant de ses multiples timelines et paradoxes. Dommage, parce qu’à côté de ça, la carte magique « on a été chercher les infos dans une autre timeline » est utilisée constamment… et devinez quoi, elle participe elle aussi malheureusement à enlever un peu de tension au jeu.

Et enfin, en conclusion de la trilogie Zero Escape… meh ? Le plan de l’antagoniste du jeu est plus que questionnable, et la justification finale de ses motivations a carrément de quoi laisser sur sa faim.

En bref, Zero Time Dilemma est à mon sens une sacrée déception. Les réponses apportées aux questions posées par Virtue’s Last Reward sont satisfaisantes, c’est certain, mais je ne peux que me demander si en devant articuler le jeu autour de ces réponses, Uchikoshi n’a pas oublié de rendre ce jeu intéressant de lui-même. Je me pose même vraiment la question… est-ce qu’un épilogue de 3h, une after-story répondant aux réponses du jeu précédent n’aurait pas été préférable à ceci ? Je regrette vraiment de sortir de cette trilogie, qui m’a fait vivre des moments de suspense intense et des twists vraiment cools, avec cette impression de… « dommage ». Surtout que ce bas, de ZTD, ne peut être dissocié du haut, de VLT.

Bref, bref, bref. Zero Escape c’était cool, mais ce Zero Time Dilemma est une douche… pas complètement froide, mais carrément tiède.

Dommage… mais ça n’enlève pas les bons moments passés, ni mon envie d’en découvrir plus !

Le jeu a failli ne pas se faire, et le résultat est… doux-amer

Prochaine étape dans ma découverte des œuvres de Kotaro Uchikoshi sera certainement Ever17, avant d’enchainer sur des jeux plus modernes que ce Zero Time Dilemma, à savoir les AI Somnium Files. Au vu des critiques sur ces jeux, les attentes seront de nouveau hautes !

FFenril Écrit par :

Otaku. Gamer. Guitariste amateur. En live Twitchpresque toutes les nuits à partir de 0h! (((o(*°▽°*)o)))

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *