Happy! de Naoki Urasawa : heureux les simples d’esprits…

Naoki Urasawa est un mangaka respecté, qualifié par beaucoup de maître du suspense capable d’écrire des histoires intelligentes et pleines de mystères, et ce notamment pour ses deux œuvres les plus connues : Monster et 20th Century Boys, mais aussi pour Pluto, manga actuellement publié en France étant un retelling d’une histoire de Tetsuwan Atom : Le robot le plus fort du monde.

Je n’ai personnellement pas (encore) lu Monster, mais j’apprécie beaucoup Pluto et suis en pleine lecture de 20th Century Boys après en avoir découvert les films… Et si l’auteur a, à mon goût, une mauvaise tendance à trop noyer le poisson dans cette histoire (en 8 tomes, Pluto évite globalement ce travers), il est certain que c’est une très bonne lecture. Etant tombé abasourdi devant la qualité des illustrations proposées dans le magnifique artbook d’Urasawa, Manben, je me suis précipité, un peu sans réfléchir, sur le « nouveau » manga que sort Panini, Happy!, édition « de luxe » d’un manga à l’origine publié de 1993 à 1999.

Happy! narre l’histoire de Miyuki Umino, une lycéenne sans le sou devant subsister au quotidien avec ses 3 frères et sœurs, jusqu’au jour où des yakuzas viennent lui demander de rembourser une dette de 250 millions de yens, dette qu’a en fait contractée son frère aîné disparu. Face à cette dette, pour Miyuki une seule solution : non pas aller travailler au strip-club/bordel comme les voyous venus réclamer la dette semblent lui demander, mais reprendre le tennis, qu’elle avait arrêté quelques années auparavant. Car, vous vous en doutez bien, la demoiselle est extrêmement douée et va peu à peu arriver au meilleur niveau…

Un shônen sportif de plus ? Non, car c’est là que le facteur Urasawa entre en jeu : Il donne à son manga des développements hors des courts de tennis, et il faut d’ailleurs un certain nombre de chapitres au manga avant que l’héroïne ne dispute ses premiers matchs. Il s’attache à développer la personnalité de ses personnages, à leur construire des relations, à donner à son manga une toute autre dimension que celle, juste, du sport…

Et c’est là que le bât blesse. En effet, Naoki Urasawa, mangaka dit maître du suspense, dit créateur de récits intelligents et passionnants… met en scène ici les aventures d’une bande d’imbéciles. Les personnages de Happy! sont tous stupides. Une seconde, ça manquait d’emphase : Les. PERSONNAGES. SONT. TOUS. S.T.U.P.I.D.E.S.

Et vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça plombe le récit. Ok, les héros de shônens [sportifs] sont souvent stupides par définition (la pire déclaration d’amour que j’ai dû voir de ma vie doit être celle de Tsubasa à Sanae dans Captain Tsubasa, couplée plus tard à une demande en mariage tout aussi débile), mais le point central de l’histoire est bien plus souvent lié au développement des héros par le sport que par ce que l’on peut trouver à côté. Ici, c’est un peu l’inverse : Au bas mot, sur les 5 volumes sortis jusqu’à aujourd’hui, une bonne moitié des tomes de Happy! est bien loin de traiter de tennis et devrait plutôt s’appeler Les malheurs de Miyuki. Oh mon dieu la pauvre Miyuki n’a pas d’argent. Oh mon dieu les frangins de la pauvre Miyuki sont méchants avec elle alors qu’elle n’a rien fait. Oh mon dieu la pauvre Miyuki est huée par le public parce que son adversaire joue la comédie alors qu’elle est toute gentille. Oh mon dieu la pauvre Miyuki est toute triste parce que…

Mais si ça s’arrêtait à l’héroïne d’être bête et niaise ça irait ! Sauf que non, tout le cast est comme ça. Les yakuzas méchants mais finalement pas tellement, leur patron qui d’abord l’air d’être un homme terrifiant et froid et qui se révèle être le plus ridicule de tous (je cite : « dire que j’ai travaillé pendant des jours et des jours pour apprendre à aimer le céleri ! »), entre l’ami-clairement-amoureux-mais-trop-impressionnable-par-toutes-les-filles-qui-lui-font-la-cour et l’insupportable connasse de service que l’auteur semble prendre un plaisir sadique à dessiner avec un visage tordu dans des rictus zarbs, il n’y en a pas un pour sauver l’autre.

Du coup Happy!, qui est au départ un plaisir à lire, se révèle de plus en plus frustrant au fur et à mesure des tomes plus l’histoire s’embourbe autour des tribulations de son héroïne malchanceuse. Urasawa en fait trop, simplement, en tirant bien trop sur la corde et avec des facilités scénaristiques pas possibles permises en créant une héroïne niaise et bête comme ses pieds. C’est d’autant plus dommage que le tout n’est pourtant pas désagréable à lire de prime abord, mais on finit par avoir envie de se taper la tête contre les murs en maudissant l’imbécilité des personnages. J’espère grandement que les tomes suivants finiront par rectifier le tir, car à un tiers de l’histoire (5 tomes sur 15 pour cette édition), il est grand temps de passer à la vitesse supérieure.

Des mangas de Naoki Urasawa, c’est le plus connu Yawara! que j’aurais également bien aimé lire s’il venait à sortir en France… Mais j’avoue qu’à découvrir Happy!, je ne suis plus tout à fait aussi enthousiaste à l’idée de découvrir ce qu’a pu faire Naoki Urasawa avant cette époque…

FFenril Écrit par :

Otaku. Gamer. Guitariste amateur. En live Twitchpresque toutes les nuits à partir de 0h! (((o(*°▽°*)o)))

4 Comments

  1. 17 décembre 2010

    La sortie de Happy m’a surpris, dans la mesure où Urasawa avait apparemment demandé à ce que ses travaux pré-Monster ne soit pas distribués à l’international.
    Même si ce n’est pas le cas, une sortie de Yawara m’étonnerait fort, à moins que Happy rencontre un fort succès. Non seulement le thème est loin de ceux qui lui ont valu le succès en France, mais en plus, la série est assez longue. Dommage, car j’aimerais bien le lire. En tout cas plus que Happy, et tu sembles dire que j’ai eu bien fait de passer mon chemin dans son cas…

  2. 18 décembre 2010

    Ça ne serait pas une mauvaise idée d’écrire un manga avec uniquement des personnages idiots…ce serait sûrement marrant !
    Enfin uniquement si c’est volontaire…ce qui n’a pas l’air d’être le cas d’Happy!

  3. 18 décembre 2010

    je confirme ce que dis Gemini, Urasawa a bien dit qu’il n’avait pas envie que ses oeuvres antérieurs à Monster soient montrés aux gaijin, et donc adieu à Yawara! et à Master Keaton en manga.

    dans Captain Tsubasa c’est plutôt Sanae qui fait sa déclaration et Tsubasa qui répond ‘ouais moi aussi’

  4. 24 décembre 2010

    Salut,

    C’est dommage je pense qu’il manque une ou deux choses à ton article, bien que les détails relevés soient assez juste.
    En premier, j’ai l’impression que tu passes à coté d’un point essentiel ces 5 premiers tomes sont quand même une énorme critique et une monumentale baffe dans la tronche au genre humain, l’illustration de l’individualisme et de l’égoïsme. Le coté débile n’est que l’iceberg. Tu le vois à chaque instant, entre les entraineurs qui n’hésitent pas à laisser tomber les héros, le marchant qui devient hyper fan de Miyuki car c’est une joueuse renommé, la joueuse ( me souviens plus le nom) qui aide Miyuki mais juste parce que elle est intéressée par elle ( j’en dis pas plus pour pas spoiler) et j’en passe.

    Autre point avant de partir réveillonner (excuse – moi si je suis un peu confus), tu ne fais pas mention de l’édition désastreuse de panini, au niveau du papier et éventuellement de la traduction de certaines tournures.

    On en est à 5 tomes pour le moment difficile de juger, d’ailleurs je te conseille, je t’oblige à acheter et lire Monster qui est totalement différent est plus dans l’esprit de pluto.

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